Shadow Survivors

CAMEROUN

MISE EN SCÈNE ZORA SNAKE

Théâtre de la Renaissance (Oullins)

Samedi 14 octobre – 21h
Dimanche 15 octobre – 16h

Le Toboggan (Décines-Charpieu)

Mercredi 18 octobre – 20h30

+ Brassage : atelier tout public d’une heure
Mardi 17 octobre – 19h – gratuit Maison de la danse

Durée 1h

Tarif 1
Tout public

Comment construire une société civile en paix à partir d’une Histoire et une mémoire incomplètes ? Zora Snake confronte dans Shadow Survivors le visage du Cameroun d’aujourd’hui, fracturé et traversé par des crises politiques et sociales violentes, à celui des « fantômes-Mpodol », héritiers et témoins de la mémoire de Ruben Um Nyobé. L’oeuvre est un hommage à cette figure effacée du mouvement indépendantiste camerounais, leader de l’UPC (Union des populations du Cameroun) assassiné en 1958 pas les forces de l’ordre.

La rage de la révolte populaire qu’il incarnait et qui continue depuis l’indépendance de 1960 est portée par les corps déchaînés des quatre danseurs et danseuses sur scène, sur un rythme mêlant percussions acoustiques et beats de hip-hop. Zora Snake relie les époques et les enjeux politiques par la danse et les corps, en articulant des mouvements de danse traditionnelle et ceux du krump et du break pour « danser pour combattre ou boxer la situation ».

L’INDÉPENDANCE DU CAMEROUN

Sous domination coloniale allemande depuis 1884, le Cameroun devient une tutelle française à partir de 1918 à l’issue de la Première Guerre mondiale. La lutte indépendantiste prend forme à partir des années 1940, avec la création de l’Union des populations du Cameroun en 1947. Ce mouvement, créé par des intellectuels et leaders syndicaux, adopte la lutte armée vers la fin des années 1950 et se constitue en maquis pour riposter contre la violente répression de la puissance coloniale française. En 1958, les principaux dirigeants de l’UPC sont assassinés après avoir été traqués pendant plusieurs mois. L’indépendance du Cameroun se dessine ensuite par voie légale : en 1960 la France lève sa tutelle et Ahmadou Ahijo devient le premier président du Cameroun.

Pourtant, le pouvoir français continue à exercer un contrôle sur la nouvelle République Camerounaise, notamment sur le plan économique et au sein des institutions ministérielles. Ce régime à l’opposé des revendications de l’UPC, continue d’être fortement contesté par les indépendantistes qui réclament une coupure nette avec les pouvoirs coloniaux et une souveraineté populaire. Leur répression violente se poursuit jusqu’au début des années 1970 avec le soutien de la France.

LES CRISES POLITIQUES ACTUELLES AU CAMEROUN

Shadow Survivors évoque aussi à travers les corps des danseurs les difficultés à créer une société civile en paix au Cameroun. En effet, ce que Zora Snake nomme le « vivre ensemble » est considérablement ébranlé par les crises qui ont éclaté dans trois des dix régions camerounaises.

Tout d’abord, depuis 2016, les régions dites « anglophones » du nord-ouest et du sud-ouest, anciennement sous tutelle britannique, connaissent une grande instabilité liée au mouvement sécessionniste qui considère que la région devrait se séparer du Cameroun réunifié pour pouvoir pleinement profiter de ses ressources économiques. Cette crise aurait déjà fait environ 2000 morts, et causé le déplacement interne et externe de centaines de milliers de camerounais. Dans la région de l’extrême-nord, autour du lac Tchad, c’est le groupe islamiste Boko Harram qui mène depuis une dizaine d’années une guérilla née au Nigéria. Cette guerre menée dans le but de la création d’un califat islamique profite au développement de la criminalité et de la violence dans une région déjà instable politiquement.

Les populations dans ces régions en crise sont menacées à la fois par la violence des affrontements mais aussi par les mesures de répression gouvernementales. Dans son travail, Zora Snake interroge la manière dont ces conflits fracturent la société civile camerounaise et entravent les mobilités artistiques, les échanges d’idées et le dialogue social entre les territoires.

RUBEN UM NYOBÉ

Ruben Um Nyobé, fil rouge du spectacle Shadow Survivors de Zora Snake, est l’un des « héros oubliés » de l’indépendance camerounaise. Originaire de Bassa, il s’engage dans les luttes syndicales dans les années 1940 et co-fonde en 1948 l’UPC, première organisation politique camerounaise à revendiquer ouvertement l’indépendance et la réunification du Cameroun (alors divisé entre une administration française et une administration britannique). Connu pour ses prises de parole et sa proximité avec le peuple camerounais, Um Nyobé est redouté et traqué par le pouvoir colonial. Le 13 septembre 1958, alors qu’il s’était réfugié dans le maquis, il est fusillé dans le dos en prenant la fuite, sans armes, et son cadavre est exposé sur la place publique. La figure de Um Nyobé est alors effacée de l’Histoire : ses écrits sont détruits et sa mémoire interdite par les gouvernements français et camerounais. Il est officiellement réhabilité en 1991 avec d’autres figures politiques également assassinées, mais sans pour autant qu’un travail soit réellement fait pour le promouvoir comme figure politique forte de l’Histoire de l’indépendance camerounaise.

© Max Mbakop Photography


Chorégraphie Zora Snake Avec Prudence Grandir, Rolland Alima, Tchina Ndjida, Audrey Fotso, Zora Snake Musiques Instru James Brown, DJ Shadow, Tribal instru, Printemps instru, effets vent Costumes et scénographie Zora Snake Lumière Irina Reinke Régie Cyrille Brière

Production Compagnie Zora Snake avec le soutien de Faso Teatri Coproduction Théâtre national Wallonie-Bruxelles, Centre national des arts de la rue et de l’espace public (Ateliers Frappaz) Production déléguée Sens Interdits Avec le soutien de Rencontres à l’échelle – Bancs publics – Marseille, ONDA – Office National de Diffusion Artistique

Création Cameroun – Bruxelles – Villeurbanne 2022-2023
Coréalisation Festival Sens Interdits, Théâtre de la Renaissance et Toboggan