Nous ne sommes plus…

FRANCE / RUSSIE

TEXTE ET MISE EN SCÈNE TATIANA FROLOVA – KnAM Théâtre

Célestins, Théâtre de Lyon (Célestine)

17 et 18 oct – 20h30
19 oct – 19h
20 oct – 20h30
21 oct – 19h

Et 24 oct – 20h30
25, 26, 27 et 28 oct – 19h

Durée 1h20

Tarif 1
À partir de 14 ans Spectacle en Russe surtitré en français

Bord de scène le jeudi 19 octobre

Comment on fait rentrer toute sa vie, et 37 ans de travail d’un théâtre, dans une valise de 23 kg, que laisse-t-on derrière soi, qu’est-ce qu’on emporte avec soi quand on ferme définitivement la porte ? Qu’est-ce qu’on porte en nous, dans nos veines et nos gènes, ce bagage légué par nos ancêtres et qui nous constitue ? Et comment repartir de zéro, trouver sa place mais garder sa voix, pour continuer à témoigner, et à résister, en exil ?

Ayant fui la Russie et réfugiée en France avec son équipe suite à l’invasion russe en Ukraine, Tatiana Frolova et le KnAM Théâtre préparent leur nouvelle création en tentant de répondre à ces questions.

À partir de l’expérience de chaque membre de la troupe, de témoignages de personnes encore en Russie mais aussi de personnes vivant autour d’eux, en France, le KnAM Théâtre, dans Nous ne sommes plus… parlera d’exil, de mémoire, de la Russie, et de la trace que nous laissons dans le monde.

ENTRETIEN AVEC TATIANA FROLOVA

Nous ne sommes plus… est le premier spectacle du KnAM créé en dehors de la Russie. Comment l’exil a-t-il modifié la façon dont vous travaillez ?

« La base de notre travail a toujours été le temps. Je récolte beaucoup de matière, ensuite, je trie, je fais des liens… Mais bien sûr, l’exil a modifié mon approche. J’ai moins peur des conséquences, pour moi, pour l’équipe aussi : en Russie, on risque la prison. À présent, il n’y a plus de limite, et on peut utiliser beaucoup plus de choses. Et le plus important, pour moi, c’est comment agencer ces petits morceaux, mais aussi comment faire passer un message très important pour nous qui puisse être compris par le public d’ici.

En juin 2022, nous avons travaillé grâce au Festival Sens Interdits avec des migrants que j’ai interviewé. J’ai découvert que la guerre en Ukraine n’était qu’une petite partie de la guerre plus large que la Russie mène depuis longtemps. J’ai rencontré des personnes qui m’ont parlé de Centrafrique, de la Syrie, de la Yougoslavie, de la Géorgie… À chaque fois, la Russie était impliquée. En étant à Lyon, j’ai un nouveau regard là dessus, une vision plus globale. Depuis 20 ans, Poutine, ce grand criminel, a fait couler beaucoup de sang, et créé beaucoup de souffrance. Petit à petit, je me rends compte que le monde entier est resté silencieux contre lui pendant toutes ces guerres… Jusqu’à ce que tout le monde ouvre les yeux en 2022, et réalise enfin qu’il s’agit tout simplement de fascisme. »

Comment avez-vous travaillé pour ce nouveau spectacle ?

« La création du spectacle a été difficile au début. Je me demandais ce que j’allais faire de ce poids sur mes épaules, je ne voulais plus faire de théâtre. Puis, nous avons réfléchi à ce que c’était d’être sans terre, d’être dans une autre terre et un autre ciel. Ensuite, nous avons travaillé sur l’écoute sensible de notre environnement, de la nature, à partir de nos corps, en se demandant : qu’est-ce que nous sommes ici ? C’est de là qu’est vraiment parti le spectacle. C’est une nouvelle étape dans notre parcours artistique, nous utilisons beaucoup de matériaux naturels, de sons de la nature. Mais il y a aussi beaucoup de silence dans le spectacle. Il dit notre peine, mais efface aussi notre existence à certains moments. Nous travaillons sur la manière de trouver sa Terre, loin de là où on est né. »

C’est quoi, être une artiste russe dissidente en exil aujourd’hui ?

« Maintenant, je veux oublier la Russie. Je veux apprendre d’autres langues. Parler russe, pour moi, c’est comme soutenir la Russie. C’est étrange, mais c’est comme ça que je vois les choses. Je veux parler français, je veux apprendre à vivre ici. C’est fini avec la Russie. Ça m’a pris beaucoup de temps, mais ce n’est pas rien, comme décision. »

Texte réalisé à partir des propos recueillis lors d’un entretien réalisé par Clara Deslee le 26 mai 2023

TATIANA FROLOVA ET LE KNAM

Cela fait 37 ans que Tatiana Frolova a créé le KnAM, l’un des premiers théâtres indépendants en URSS. Depuis cette petite salle de 23 places à Komsomolsk-sur-Amour, elle a créé des dizaines de spectacles qui ont fait de ce théâtre un lieu de recherche et d’expérimentation artistique majeur. Après avoir monté plusieurs grands textes, elle s’est tournée vers la création collective et l’utilisation de matériaux documentaires, mêlant les histoires personnelles et l’Histoire collective, notamment en dénonçant les crimes de la Russie. En mars 2022, lorsque la Russie déclenche la guerre contre l’Ukraine, Tatiana Frolova et son équipe du KnAM fuient le pays pour s’installer à Lyon. Le partenariat du KnAM avec Sens Interdits et le Théâtre des Célestins remonte à 2011 et leurs spectacles ont été programmés à chaque édition depuis.

© Théâtre KnAM


Texte et mise en scène Tatiana Frolova – KnAM Théâtre

Avec Dmitrii Bocharov Liudmila Smirnova Vladimir Dmitriev Irina Chernousova German Iakovenko Bleuenn Isambard Régie Sylvain Ricci Vidéo Tatiana Frolova, Dmitrii Bocharov, Vladimir Smirnov Matière documentaire textes, images, entretiens, témoignages, extraits d’articles, études, ouvrages historiques et mémoriels collectés par Tatiana Frolova et les artistes du KnAM Théâtre Son Vladimir Smirnov Musique Egor Frolov

Production KnAM Théâtre Production déléguée Célestins, Théâtre de Lyon Production exécutive Centre Dramatique national Besançon Franche-Comté Coproduction Comédie de Genève, Comédie de Valence – CDN Drôme Ardèche, Théâtre populaire romand – Centre Neuchâtelois des arts vivants, Théâtre National Wallonie-Bruxelles, Festival Sens Interdits Soutien en résidence de La Fonderie, au Mans et de l’Assemblée, fabrique artistique / Cie du Bonhomme (Lyon)

Création le 17 octobre 2023 aux Célestins, Théâtre de Lyon dans le cadre du Festival Sens Interdits Résidence Comédie de Valence – CDN Drôme Ardèche, CDN de Besançon Franche-Comté, L’Assemblée – fabrique artistique – Lyon, Célestins – Théâtre de Lyon Coréalisation Célestins, Théâtre de Lyon et Festival Sens Interdits

Avec le soutien de la Direction régionale des affaires culturelles Auvergne-Rhône-Alpes

Le CDN Besançon Franche-Comté, producteur exécutif du spectacle, bénéficie du soutien du programme PAUSE, programme national d’accueil en urgence des scientifiques et des artistes en exil, porté par le Collège de France.

Tatiana Frolova et le KnAM Théâtre sont artistes associés aux Célestins, Théâtre de Lyon.