LIBAN

TEXTE ET MISE EN SCÈNE CHRYSTÈLE KHODR

Célestins, Théâtre de Lyon (Grande salle)

19 et 21 oct – 21h 22 oct – 16h

Durée 1h30

Tarif 1, 2 et 3
À partir de 15 ans
En arabe surtitré français

C’est quoi, « ordalie » ? Lorsque la justice échappe aux hommes, il s’agit de l’ultime recours : le jugement de Dieu à travers une épreuve physique. Témoins de l’échec de la gouvernance du Liban depuis la fin de la guerre civile, quatre comédiens créent leur propre ordalie le temps d’une nuit. Ils défendent un patrimoine intime qui a été détruit et que l’on menace d’effacer pour toujours. Avec comme toile de fond Les Prétendants à la Couronne, d’Henrik Ibsen, Chrystèle Khodr interroge sa propre position et celle de sa génération quant aux ruines et à l’héritage de la guerre et de l’histoire du Liban. Les événements marquants des années 90 croisent la fiction pour permettre aux comédiens d’échapper à leur statut de victime.

S’affranchir aussi du pouvoir patriarcal qui assigne les hommes à la construction et la guerre, dans un contexte où les corps souffrent de l’échec de la construction d’un état. Dans le champ de ruines où se déroule la pièce, la question la plus brûlante demeure celle de la justice : est-elle encore possible au Liban ? Et si oui, comment passer à l’action pour la mettre en place ?

ENTRETIEN AVEC CHRYSTÈLE KHODR

La pièce sera jouée quatre ans après la révolution de 2019 au Liban. Comment ces événements ont-ils influencé votre création ?

« Il y a eu la révolution, la crise économique, la dévaluation de la livre, la pandémie, l’explosion du port de Beyrouth en 2020, la plus grande explosion non-nucléaire des temps modernes, due au stockage non conforme aux normes de sécurité de plusieurs tonnes de nitrate d’ammonium. Depuis la fin de la guerre civile, le quotidien est rythmé par les fausses promesses de reconstructions et de réformes de seigneurs de guerres corrompus qui continuent à gouverner en effaçant toute preuve de leur crime. L’action de la pièce se passe le 1er septembre 2020 qui marque le centenaire de la création du Grand Liban par la puissance mandataire française, Emmanuel Macron se trouve alors en visite au Liban. Ce jour-là l’ancien premier ministre libanais, démissionnaire suite à l’insurrection populaire, est reconduit dans ses fonctions. Les parents des victimes de l’explosion du port manifestent comme tous les jours, et la dévaluation de la livre est quotidienne. Les habitants ont pris l’habitude de se réunir tous les soirs autour des ruines, d’autant qu’une rumeur a laissé croire que l’on avait détecté des battements de cœur sous les gravats. Rumeur bientôt démentie, et nouvelle cruelle déception populaire. L’idée c’est que quatre vieux amis de l’école de théâtre se retrouvent par hasard cette nuit-là, ils se rendent sur l’aire de jeux qu’ils fréquentaient enfants, qui doit être détruite le lendemain. Durant cette nuit leur vie entre les années 1990 et 2020 va se déployer, cette vie qui est une série d’ordalies.»

Pourquoi cette notion d’ordalie pour parler du Liban aujourd’hui ?

« L’ordalie est une épreuve censée déboucher sur une révélation. Elle nous situe à la croisée des mondes visibles et invisibles. En travaillant sur le spectacle, je me suis rendue compte que le mouvement du Liban dans le cours de son histoire est un mouvement de suspension qui s’incarne dans le paysage urbain de son littoral et plus particulièrement de sa capitale dont on ne se sait jamais si elle est en cours de destruction ou de reconstruction. Quelque part les ruines à Beyrouth émergent du sol tant il est souillé par des crimes restés impunis.

La notion d’ordalie est au cœur de la pièce historique d’Ibsen Les prétendants à la couronne, une saga à propos d’hommes qui se disputent le pouvoir, et qui traite entre autre du sexisme des milieux politiques. Ce jeu de pouvoir m’est complètement inconnu dans ma vie personnelle, cette question et celle de l’héritage, dans la pièce d’Ibsen et dans la société dans laquelle je vis, sont affaires d’hommes. Par ailleurs, la pièce d’Ibsen se conclut par la paix civile et par la création d’une nation à partir de clans hétérogènes, ce que je mets en miroir avec les grandes promesses historiques équivalentes non tenues au Liban. Cette pièce est le premier volet de mon cycle de recherche sur la justice. »

Texte réalisé à partir des propos recueillis lors d’un entretien réalisé par Clara Deslee le 22 mai 2023

CHRYSTÈLE KHODR

Née à Beyrouth, Chrystèle Khodr est metteuse en scène, autrice et interprète. Diplomée de l’Institut des Beaux-Arts de Beyrouth en 2006, elle est formée au théâtre du mouvement à l’École LASSAAD à Bruxelles. Son travail témoigne de l’urgence de reconstituer l’histoire d’un pays qui ne cesse de rompre avec sa mémoire, en partant des traces que ces fractures laissent chez celles et ceux qui en sont les héritiers et habitent encore ces lieux. En France, elle travaille régulièrement avec le Théâtre des 13 vents – Centre Dramatique National de Montpellier. Cela fait maintenant dix ans que ses œuvres ponctuent les éditions du Festival Sens Interdits avec Beirut Sepia en 2013 puis avec Titre provisoire aux cotés de Waël Ali en 2017 et Augures en 2021. Ce dernier spectacle mettant en scène deux grandes actrices du théâtre libanais et leurs traversées singulières du temps depuis la guerre civile remporte un succès grandissant mérité dans sa tournée européenne.

©Marie Clauzade


Conception, écriture et mise en scène Chrystèle Khodr
librement inspiré de Les Prétendants à la Couronne d’Henrik Ibsen
Assistant à la mise en scène Walid Saliba

Avec Roy Dib, Élie Njeim, Rodrigue Sleiman, Tarek Yaacoub
Scénographie, lumière Nadim Deaibes Composition sonore Ziad Moukarzel
Production Théâtre des 13 vents CDN Montpellier
Coproduction théâtre Garonne scène européenne – Toulouse, Théâtre Nanterre – Amandiers – Centre dramatique national, La Comédie, Centre dramatique national de Reims, Scène Nationale d’Albi – Tarn, FONDOC – Fonds de soutien à la création et à la diffusion de la Région Occitanie
Avec le soutien de La Chartreuse Villeneuve-lez-Avignon – CNES – Programme NAFAS – Association des Centres culturels de rencontre (ACCR) du Ministère de la Culture, Printemps des Comédiens dans le cadre du Warmup
Avec l’aide de l’ONDA – Office national de diffusion artistique

Le projet est lauréat de l’Ibsen Scope 2019