Festival Sens Interdits

8ème édition – Octobre 2023

15 ans

Le Festival est né en 2009 avec la simple volonté de compléter l’importante offre théâtrale de l’agglomération lyonnaise par l‘invitation, sur un temps dédié, d’artistes internationaux engagés.

140 spectacles, 8 éditions biennales et 15 ans après, Sens Interdits est reconnu en Europe comme « Le festival international du théâtre d’urgence ». Découvreur, prescripteur, il est considéré comme exigeant, généreux, fiable et fidèle. Il dispose d’une équipe très investie et de partenaires en nombre suffisant pour produire, coproduire, piloter des tournées, organiser des ateliers, des formations et pour rayonner en Europe et dans le monde.

Il subit, comme bien d’autres, les coupes budgétaires d’une collectivité locale qui l’affaiblissent mais l’état du monde lui commande de relativiser ses difficultés d’autant plus qu’il reçoit le soutien de l’État, de la Métropole et de la Ville de Lyon qui, ensemble, lui proposent un conventionnement sur trois ans jusqu’en 2025.

Bref, au moment où se profile le changement de direction, fin 2024, Sens Interdits ne devrait douter ni de ses capacités, ni de ses soutiens. Tant mieux !

À contrario le monde, lui, ne s’arrange pas : surchauffé il subit incendies et catastrophes naturelles, crise économique perpétuelle tandis que se multiplient les conflits. La violence est partout et modifie profondément l’activité internationale :

La guerre se déchaîne depuis plus de 500 jours, martyrise la population ukrainienne, sacrifie sur le champ de bataille la jeunesse de l’agressé comme celle de l’agresseur et condamne à l’exil tous ceux qui, en Russie, refusent de vivre dans le déni et le mensonge. Nous n’irons donc plus prospecter à l’Est avant longtemps mais le devoir d’hospitalité nous fait agir ici, où arrivent les exilés. Car quand ils ne sont pas en prison en Russie (Zhenia Berkovitch), en Biélorussie, en Iran (307 exécutions par pendaison depuis le début de l’année) ou en Afghanistan, les artistes sont en exil à Lyon (KnAM théâtre), Paris, Varsovie (Ivan Viripaev), Berlin, İstanbul…

En Palestine l’attaque, le 4 juillet dernier, par l’armée israélienne, du camp de réfugiés de Jénine et de l’indispensable Freedom Theatre, largement dévasté, montre à quel point la prise de risque courageuse d’artistes engagés peut les mettre en danger de mort.

Parmi les invités de cette édition on peut citer également l’association Anw Jigi Art de Bamako qui développe au Mali une activité de théâtre social itinérant, dénonçant de village en village, les méfaits du patriarcat et la culture du viol. Elle vient de nous informer que deux de ses membres ont été enlevés par un groupe armé sur le fleuve Niger. Force et fragilité de la parole libre face à l’obscurantisme.

On pourrait multiplier les exemples d’irruption de la réalité venant bousculer ce qui s’est construit patiemment.
Désormais il faudra constamment s’adapter aux convulsions du monde nouveau pour rendre possible la nécessaire programmation d’artistes indociles et courageux, prendre le risque des paroles déviantes en dribblant les propagandes et, plus que jamais, donner place aux voix empêchées. Et puis, toujours, résister au zapping, au besoin d’immédiateté. Donner du temps au temps, suivre, fidèlement, accompagner et, le moment venu, récolter et partager avec le public.

Ce sera l’affaire de la prochaine direction.

En attendant faites votre chemin dans la programmation, choisissez langues, pays, auteurs, interprètes, thématiques,

doublez avec rencontres, lectures et conférences, du programme Hors-Scène, et, en soirée, retrouvez-nous sous le chapiteau, chambre d’écho du Festival !

Haut les cœurs !

Patrick Penot